Internet permet-il une nouvelle forme de journalisme ?

13 Avr

Le web représente un formidable outil pour la transmission de l’information. Il existe une multitude d’enjeux permettant au journalisme sur internet de se démarquer du journalisme traditionnel et de faire de son ancêtre un mode de traitement archaïque. Le public, généralement frileux face à une information trop souvent tronquée par les médias classiques, est en demande de nouveautés sur le web et retrouve l’actualité souhaitée grâce à une grande variété de diffuseurs.


Une étude internationale publiée par le groupe européen Oriella PR Network démontre que les médias traditionnels perdent des lecteurs (pour 41 % des sondés) et des annonceurs (62 %) au profit des médias sur Internet. Le climat est donc favorable aux pure-players (ces médias uniquement présents sur le web). Le journalisme web devient un moyen de démocratisation de l’information. En effet, avec plus de 20 millions de personnes bénéficiant d’un haut débit internet en France, l’actualité se propage de manière plus homogène. Fini le temps ou seuls les plus riches avaient accès à une actualité de qualité, aujourd’hui l’information gratuite (même si fortement controversée) participe une fois de plus à la démocratisation d’une connaissance de l’actualité. Le web, auparavant, souvent critiqué pour son foisonnement d’information plus ou moins contrôlées et ses dérives, réussi à faire sa place et à voler la vedette aux médias les plus appréciés du grand public.

L’avènement d’un internet sérieux

Le principal enjeux du web journalisme était avant tout de devenir crédible. Souvent mis à mal par les défenseurs des médias traditionnels, le journalisme 2.0 devait sortir de son moule en carton pour prouver que sur internet il existait bien une actualité de qualité. Souvent considéré comme un média poubelle, la confiance avec les internautes fut dure à mettre en place. Des sites professionnels ont vu le jour et ont pérennisé cette image qualitative auprès de l’inconscient des internautes. Rue89, Slate, Médiapart et bien d’autres ont participé à cette révolution sur le web. Grâce à des articles pertinents et sourcés, ces sites sont à l’origine de la mise en ligne de quelques scandales qui ont prouvé la pertinence des articles publiés. L’affaire Bettencourt reste un des plus bel exemple d’investigation sur le web français.

Si l’investigation sur le web représente une nouvelle discipline journalistique, le web permet de développer toute sorte de méthodes de journalisme. Ce foisonnement de possibilités symbolise une fois de plus les enjeux du web journalisme.
Le « flash journalism » est une méthode de diffusion de l’information extrêmement répandue et constitue la principale activité des sites internet de médias traditionnels. Il s’agit de copier coller une information tirée de la presse papier ou des dépêches AFP, sans chercher à l’enrichir. Le « data journalism » est apparu avec le net. Il s’agit d’utiliser des données numériques afin de faire des hypothèses journalistiques. « Le blog journalism », « le talk journalism » ainsi que le « narative journalisme » (développé dans un article d’OWNI) permettent aux internautes de trouver une exhaustivité dans le traitement de l’information.

Jusqu’ici c’est l’abondance du net qui crée sa particularité en matière de journalisme. Mais ce n’est pas le seul atout de ce nouveau média. Le fait de pouvoir renvoyer l’internaute à des liens pertinents tout au long de sa lecture représente une nouveauté exclusivement présente sur le web. A la télévision, à la radio et sur le papier, il est strictement impossible pour la personne qui reçoit le message journalistique de consulter d’autres sources incluses au média qu’il consulte. Avec internet, ce facteur devient décisif dans la compréhension d’un article.

Le multi-sources en direct

Prenons l’exemple du documentaire « notre poison quotidien » décliné sur le web. Une plate-forme a été créée spécialement pour héberger une version synthétisée du documentaire de Marie-Monique Robin. En visitant la plate-forme, l’internaute à la possibilité de visionner des extraits du documentaire rassemblés en 4 thèmes. En cliquant sur un thème, l’aspartame par exemple, une vidéo de 5 minutes s’affiche. En visionnant la vidéo, on se rend compte qu’à coté, il existe d’autres encarts. Des fenêtres GoogleNews, Twitter, Wikipédia et « dans cette vidéo » sont présentes. Ces fenêtres sont tout simplement des sources pour l’internaute.

Lorsqu’une information apparait dans les dires des personnes interrogées dans le cadre du film documentaire, cette dernière est directement déclinée à travers les fenêtres sources. Grâce à wikipédia, twitter mais aussi dans la fenêtre « dans cette vidéo », l’internaute reçoit toute sorte d’informations de différents sites sur l’Aspartame. Une vraie révolution !

L’interactivité enfin trouvée

Le gros obstacle devant lequel se retrouvait le journalisme traditionnel était le manque de proximité entre les lecteurs et les journalistes. Souvent controversé, ce métier est toujours apparu comme un métier de privilégiés, permettant à certains de jeter des pavés dans la marre sans être pour autant inquiétés. Avec internet, le journaliste n’est plus à l’abris du bâton de l’internaute. Tout article est évalué et commenté. Fini le traditionnel « courrier des lecteurs » qui ne constituait finalement pas un droit pertinent de réponse de la part de l’internaute. On assiste alors la plupart du temps sur internet, à des véritables discussions de fond entre lecteurs et rédacteurs et qui plus est en temps réel. L’internaute devient le premier juge de l’information. Julien Martin journaliste pour Rue89 disait lors des entretiens du web-journalisme organisés à Metz en décembre 2010 : « Le participatif régule tout, surtout les articles racoleurs. Les gens font vite la différence entre une information pertinente et un coup de buzz, et ils ne se gênent pas pour le faire remarquer dans les commentaires. »

Une autre forme d’interactivité à vu le jour grâce au web. C’est le crowd-sourcing. Cet outil interactif est développé par les médias NEL (né en ligne) et il constitue un lien permanent entre les journalistes et les internautes. Le crowd-sourcing permet aux internautes de participer à la rédaction de certains articles, en apportant leur contribution. Pour l’article d’OWNI sur les caméras de surveillance dans Paris, la méthode de crowd-sourcing a fonctionné à merveille. Les internautes pouvaient envoyer l’emplacement d’une caméra lorsqu’ils en remarquaient dans les rues en se promenant par exemple. L’interactivité est donc une réelle volonté chez les médias en ligne, plus que dans les médias traditionnels où la marge de manœuvre était plus restreinte et où les rédacteurs ne voulaient pas forcément se frotter directement aux lecteurs parfois très critiques.

Le rich-média au service de l’information

Alain Joannès (ancien journaliste à LCI) dans son livre « communiquer en rich média » donne une définition assez simple de ce qu’est le rich-média. « Le rich-média, c’est ce qui permet de traiter une information dans plusieurs modes d’expression organisés de manière à mettre en valeur leurs spécificités et leurs complémentarités. […] Compte tenu de l’évolution du réseau mondial et de ses usages interactifs, communiquer sur le web en mode texte avec quelques images pour faire joli est plus qu’une erreur, c’est une faute stratégique.» Internet est une fois de plus le seul outil à proposer une intégration rich-média pour faciliter la compréhension de l’internaute et surtout de multiplier les sources d’information pertinente. Cette donnée multimédia représente une fois de plus une nouveauté dans le milieu journalistique.

Internet représente donc un merveilleux outil pour les addicts de l’actualité. En tenant compte de toutes les capacités qu’offre ce nouveau média, il ne faut pas pour autant en oublier les défauts que laisse apparaitre la toile. Le premier naît de l’instantanéité de l’information sur le web. En effet, internet crée pour les sites web d’actualité une véritable course à l’information. Certains sites internet sont spécialisés dans l’information à flux tendu comme le site 20minutes.fr qui privilégie l’information en continue. Carence en matière de croisement des sources, reprise de dépêches AFP et manque d’originalité sont les risques que courent certains à vouloir atteindre l’exhaustivité.

La mise en place d’un modèle économique pérenne sera l’enjeu décisif que devra régler le web journalisme dans les années à venir. A l’image de Bakchich fraichement liquidé, 99% des médias en ligne peinent à trouver des financements permettant de vivre décemment de leur activité journalistique sur le web. Avec la crainte de voir d’autres pure-players disparaître, certains ont choisi un modèle d’information payante comme Médiapart. Les questions économiques sont au cœur des enjeux du web journalisme. Tout est à faire et seul l’avenir pourra répondre à ses questions d’ordre économique.

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